Un locataire peut-il arrêter de payer ses loyers car l’appartement ne lui semble pas décent ? Que se passe-t-il si le dépôt de garantie n’est pas rendu dans les délais ?
Guide de bonnes pratiques entre bailleurs et locataires
Bail commercial : un locataire ne peut pas se faire justice lui-même
Un locataire ne peut, de sa propre initiative, procéder à une compensation tant que l’une de ses créances est litigieuse.
Un locataire contestait devoir des sommes au titre de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM) sur une période de cinq ans. À titre de correction, il ne s’était donc volontairement pas acquitté du paiement de deux loyers mensuels.
Les bailleurs lui avaient alors adressé un commandement de payer visant la clause résolutoire (qui prévoit la résiliation de plein droit du contrat de location en cas de non-paiement du loyer).
Même s’il a raison (la TEOM est due par le propriétaire), le locataire ne peut unilatéralement procéder à une compensation tant que l’une de ses créances est litigieuse, ont expliqué les juges.
Et, à défaut de paiement des loyers, la clause résolutoire est acquise au bailleur. (Arrêt n° 16-19037 du 01/02/2018)
Un locataire peut laisser une peinture jaunie à sa sortie des lieux
Au terme du bail, le locataire n’est tenu qu’aux réparations locatives rendues nécessaires par les dégradations intervenues durant la location, a rappelé la Cour de cassation.
À la restitution des clés, un bailleur dresse un état des lieux qui fait mention de murs jaunis, alors qu’ils ne l’étaient pas au moment de la prise de possession par le locataire.
Le bailleur retient l’intégralité du dépôt de garantie pour la prise en charge d’une partie des travaux de peinture. Le locataire saisit alors la juridiction de proximité afin que lui soit restituée la somme déposée en garantie.
La Cour lui a donné raison, estimant que c’est au propriétaire de prouver que le jaunissement des peintures est imputable à un usage anormal de la chose louée (Arrêt n° 16-26565 du 21/12/2017).
Le délai de préavis réduit n'a pas à être justifié outre mesure
Le bailleur ne peut exiger du locataire qu’il justifie de deux situations lui permettant de bénéficier d’un délai de préavis réduit quand la loi n’en exige qu’une.
Après la remise des clés, le propriétaire assigne la locataire en paiement d’un arriéré de loyers en lui déniant le droit au bénéfice d’un délai de préavis d’un mois, estimant que le seul fait de percevoir le RSA à la date du congé est insuffisant.
La Cour lui a donné tort. Certes, le délai est de trois mois (hors zone tendue) quand il émane du locataire et de six mois s’il vient du bailleur.
Mais il tombe à un mois dans de nombreux cas : premier emploi, mutation, perte d’emploi, perception du RSA, etc. En subordonnant le bénéfice du préavis d’un mois à la justification par la locataire de la perte de son emploi, le bailleur a ajouté une condition qui ne figure pas dans la loi. (Arrêt n° 16-22812 du 19/10/2017)
Il ne faut pas suspendre d'autorité le versement des loyers
Un locataire qui estime que son logement n’est pas décent doit saisir la justice, a rappelé la Cour de cassation.
Un couple qui se plaignait de désordres dans son appartement avait d’autorité interrompu le règlement des loyers au bailleur, sans solliciter l’autorisation judiciaire afin de les consigner.
La Cour lui a donné tort en s’appuyant sur le principe que « nul ne peut se faire justice à soi-même », quand bien même le logement nécessite des travaux que le bailleur tarde à exécuter.
Le couple a été condamné à payer l’arriéré locatif majoré des intérêts au taux d’intérêt légal (Arrêt n° 16-19614 du 5/10/2017).
Loyers impayés : le propriétaire dispose de 3 ans pour saisir la justice
Le bail d’habitation obéit à des règles spécifiques qui sont exclusives du droit de la consommation.
Plus de deux ans après la libération d’un appartement, un bailleur social avait assigné un couple en paiement d’une somme au titre des réparations locatives et d’un solde de loyer.
Les intéressés avaient contesté au motif que l’action des professionnels, pour les biens ou services qu’ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans.
Les juges leur ont donné tort : « La prescription de deux ans, prévue à l’article L. 137-2 du Code de la consommation, ne concerne pas les créances nées d’un bail d’habitation […] prescrites par trois ans » (Arrêt n° 15-27580 du 26/01/2017).
Dépôt de garantie : sa restitution doit intervenir dans les délais
À défaut de restitution dans les délais, le dépôt de garantie restant dû au locataire est majoré d’une somme égale à 10% du loyer mensuel en principal, pour chaque période mensuelle commencée en retard, a rappelé la Cour.
Et ce, même si le contrat de bail a été conclu antérieurement à la loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et à un urbanisme rénové, dite loi Alur (Arrêt n° 15-24552 du 17/11/2016).
L’agent immobilier doit vérifier la solvabilité du locataire
Un agent immobilier, négociateur d’une opération locative, est tenu de s’assurer de la solvabilité des candidats à la location à l’aide de vérifications sérieuses, a jugé la Cour de cassation, et ce, quelle que soit l’étendue de sa mission.
En l’espèce, un bailleur avait assigné un agent à qui il avait confié un mandat de recherche, en raison de manquements commis dans la vérification de la solvabilité des locataires au jour de la conclusion du bail.
Ces derniers, par la suite, ont arrêté de payer leurs loyers et sont restés dans les lieux sans verser d’indemnité d’occupation.
La Cour a rejeté les arguments de l’agent qui soutenait n’avoir à effectuer que des vérifications formelles et non une enquête approfondie sur la solvabilité. (Arrêt n° 15-23790 du 16/11/2016).